8 octobre 2019. Nous remettions un chèque à l’ODP (Œuvre des Pupilles des Orphelins des Sapeurs-Pompiers). Ce produit d’une partie des ventes de notre livre qui présente notre méthode de gestion des conflits pour les SP, se faisait en mémoire de Geoffroy HENRY, SP poignardé par le malade qu’il venait secourir en septembre 2018.

La cérémonie, émouvante, se faisait en présence de sa femmes Morgane, de son père Éric (ancien gendarme et ancien officier SPV) et de son chef de centre (Bourg les Valence – Drôme).

Le témoignage du père de Geoffrey nous révélait des éléments stupéfiants. Éléments fondamentaux qui nous confortent dans les outils à apporter à nos collègues pour éviter un drame.

Nous ne nous permettrons pas d’entrer dans les détails de cette terrible affaire. Mais nous nous permettons d’avancer qu’il est temps d’accélérer la mise n place d’un processus de formation pour éviter ce type de drame. Car, si on ne peut les éviter totalement, « on pourrait les éviter » (Général JP GALLET – BSPP).

 

4 principes fondamentaux sont à retenir :

A. Se situer.

On retrouve dans cette intervention du 4 septembre, les 3 comportements types : fuite, sidération, combat (Professeur Henri LABORIT, 1976). Le principe de sidération (seconde de stupeur) et l’émotion de peur doivent être expliqués. Expliquer un phénomène (effet de surprise, émotions, réactions réflexes…) permet aux professionnels du secours de comprendre pour se préparer et de le contrôler s’il survient. « On est ainsi moins désemparé le jour où ça arrive ! » témoigne un de nos stagiaires.

B. Se positionner.

Les principes fondamentaux de tactiques d’intervention permettent de mieux se positionner durant une situation dégradée. Analyse du risque, engagement et positionnement, technique d’abordage, employer les bons mots pour apaiser (négociation), savoir se désengager pour reprendre la distance de sécurité, solliciter des renforts. Cela se prépare. La dotation de caméras aux équipes doit être associée à des séances de formation sur la manière de l’annoncer (procédure obligatoire). Le rapprochement des SDIS avec les négociateurs des services de police ou de gendarmerie serait une réelle plus valu.

C. Faire face.

C’est le débat avec certains qui pensent qu’il suffit : d’identifier les risques et de se désengager!

Croyez vous que Geoffroy et ses collègues n’auraient pas saisi cette opportunité ? Mais en ont ils eu la possibilité ? Parfois, c’est impossible ! Il faut admettre que les temps ont changé. Les secouristes ont depuis toujours eu à côtoyer les comportements extrêmes associés à l’intensité dramatique du moment : souffrance, colère, peur. Emotions et comportements exacerbés parfois par l’alcool, la drogue, ou les passions induites par la situation (moment festif, conflits de personnes…).
Aujourd’hui, il faut intégrer de nouveaux paramètres : la volonté de nuire et de faire mal : embuscades et actions initiées par des comportements délinquants. Volonté de blesser ou de tuer sous des motivations fanatiques. Rejet par certains des valeurs fondamentales véhiculées par l’uniforme. A cela s’ajoutent l’augmentation de comportements limites dus aux troubles du comportement et à la maladie mentale.

L’anticipation n’est pas toujours possible. Et on peut se trouver le couteau « sur le ventre ». Alors que faire?

Il est nécessaire de proposer des outils d’autoprotection pour se protéger de la violence préméditée ou passionnelle d’une victime, d’un proche ou d’un témoin. Pourrait-on penser un médecin intervenir sur une plaie saignante sans gants ? Un sapeur-pompier aller au feu sans casque? Face au nouveau risque professionnel qu’est la « violence en intervention» la réponse ne doit pas passer par des techniques de self défense ou de combat. Mais par un concept qu’on peut appeler « secourisme de la violence » où les sapeurs-pompiers et les secouristes en général, doivent disposer de principes simples leur permettant de se préserver de la violence qui peut atteindre tant leur intégrité psychologique que mentale.

Apprendre de manière unilatérale aux sapeurs-pompiers les stratégies d’évitement et de désengagement est une grave erreur. Cette corporation est entrainée pour faire face au danger. Quand il n’y plus de possibilité de désengagement.

Quand il n’y a pas d’autre solution. Il est indispensable de préparer les équipes, sans haine, sans préjugé aucun, mais seulement dans un soucis de nécessité absolue pour protéger naturellement son intégrité physique. Afin de se protéger légitimement d’une violence réelle, instantanée et injuste.

D. Débriefer.

C’est le retour en caserne. La reprise d’un événement est indispensable. Nous remarquons que ce process est de plus en plus mis en œuvre dans les services. Comment a été vécue l’intervention (defusing)? Comment s’est déroulé l’intervention (debriefing)? Comment se nourrir de ses erreurs pour améliorer le futur (Retex)? Ce principe ne doit pas être l’exclusive des opérations qui ont connu des difficultés. Il est important de valoriser également ce qui « a réussi ». Ce que nous appelons « principe des 3 cercles » ne doit pas être vécu comme un tribunal.

Il y a eu un avant, et un après Geoffroy HENRY. Nous pouvons répondre à sa famille qu’il n’est pas mort pour rien. . Certains ne manqueront pas de le rappeler. Nous en ferons partie.

Didier JAFFIOL.

– Sapeur-pompier volontaire pendant 35 ans.
– 17 ans en service spécialisé en coopération d’un service de police dans un service de nuit.
– Expert au SDIS depuis 2015.
– Enseigne les principes GESIVI équipes de sapeurs-pompiers du Gard depuis 2001.
– Il s’intéresse depuis quelques années aux comportements radicalisés et violents en animant un groupe de recherche action.
– Auteur de 2 livres sur le sujet.