Dans son livre novateur, The Gift of Fear (La peur qui vous sauve, éditions JC Lattès), l’expert en prévention de la violence et auteur à succès, Gavin de Becker, décrit une série de tactiques qu’un violeur peut utiliser pour persuader une victime potentielle de baisser sa garde et de le laisser entrer dans sa zone d’intimité. La victime se met ainsi en position de fragilité en compagnie d’une personne qu’elle ne connaît pas.

Écrit avec la permission de l’auteur, le présent article approfondit le décodage de ces tactiques et explique en quoi cette compréhension peut être utile dans d’autres situations d’intrusion quotidienne.

Depuis 1989, Kidpower a desservi mondialement plus de 1.2 million d’enfants, d’adolescents et d’adultes de cultures diverses, incluant les personnes avec besoins spéciaux. Kidpower offre aux personnes de tous âges et de toutes capacités des habiletés efficaces et positives qui permettent de prendre en main sa sécurité émotive et physique ainsi que celles des autres.  Les différents programmes de Kidpower sont fortement recommandés par de nombreux experts en santé, services sociaux, éducation et prévention de la criminalité. Ils sont reconnus pour travailler l’empowerment, être positifs, pratiques, sécuritaires tant sur le plan physique qu’émotif, adaptés à chaque groupe d’âge ainsi qu’aux besoins de différents individus.

Une personne qui utilise ces stratégies n’est pas nécessairement quelqu’un de mauvais ou qui a de mauvaises intentions.

Certaines d’entre elles peuvent même être vraiment pertinentes lorsque l’on souhaite bâtir une relation saine. Si nous ne baissons jamais notre garde pour nous ouvrir aux autres, il nous sera alors difficile de nous faire des amis, de faire des affaires ou d’apprécier les moments en groupe.

Il est également important de prêter attention à notre propre façon de communiquer pour éviter d’envoyer des messages ambigus, contradictoires voir malhonnêtes. En voulant défendre notre point, persuadé que nous avons raison, nous pouvons également devenirs manipulateurs sans le vouloir.

Quoi qu’il en soit, l’important est de se rappeler comment et quand ces stratégies sont utilisées et ne pas les laisser nous empêcher de faire nos propres choix. Pour ce faire, vous pouvez vous poser ces questions :
Cette personne est-elle en train de me motiver à faire quelque chose que je souhaite également faire?
Suis-je en train de me faire manipuler afin que j’agisse en dépit de mes intérêts et mes envies ?

L’association forcée :

Parfois une personne va parler et agir de façon à ce que vous vous sentiez du même bord, dans la même équipe. Son but est de créer un lien avec vous et ainsi de vous mettre à l’aise. L’esprit d’équipe peut effectivement être une excellente source de motivation. Les sports d’équipe, les partis politiques, les organismes communautaires, le voisinage, tout fonctionne mieux lorsque les individus se sentent liés les uns aux autres. Par contre, il est important de faire attention lorsque quelqu’un avec qui vous n’avez pas de liens parle comme si vous en aviez. Méfiez vous lorsque des gens tentent de vous associer à eux en disant « nous » et de vous séparer des autres en disant « eux ». Rappelez-vous qu’elle est la nature réelle du lien avec cette personne.

Le charme et la gentillesse :

Les gens peuvent projeter une attitude chaleureuse, gentille, sympathique et humoristique pour que les autres s’ouvrent à eux. Les personnes ayant cette attitude peuvent êtres sincères et aimables. Mais elles peuvent également être néfastes. Lorsque quelqu’un est très drôle, gentil et mignon, prenez l’habitude de vous demander : « Cette personne tente t’elle de me charmer? Est-ce que je veux être en contact avec cette personne ? Suis-je sous son charme et en train d’accepter certaines choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord ? Suis-je en sécurité si les choses tournent mal ? »

Par ailleurs même s’il vous est agréable de passer du temps avec cette personne, prêtez attention à ses changements de comportements. Les gens qui ont été trahis par leurs amis se disent souvent : « Je n’aurais jamais cru qu’il ou elle m’aurait fait ça ; nous avons passé tellement de bons moments ensemble. » De nombreuses femmes qui ont été agressées se disent par la suite : « Mais il était tellement gentil avec moi au début ! »

L’avalanche de détails :

Lorsque les gens veulent vous convaincre, ils peuvent donner plus d’informations que nécessaire. Ce peut être parce qu’ils sont vraiment investis dans ce qu’ils disent. Et il se peut aussi qu’il tente de créer de la confusion, une distraction ou nous faire croire à leurs histoires. Les gens honnêtes peuvent avoir du mal à se rappeler que parfois les autres peuvent inventer des détails convainquants pour réussir à gagner notre confiance. Or, une multitude de détails n’indique pas nécessairement que la personne dit la vérité.
Plutôt que de vous laisser prendre par ce que dit la personne, restez centrés sur ce qui est important pour vous dans la situation.

Posez vous des questions comme :

« À quel point est ce que je connais cette personne ? »
« Est-ce que l’attitude de cet individu change et me met soudainement dans l’inconfort ? »
« Il ou elle respecte-elle ce que je lui demande ? »

L’étiquetage :

Bien évidemment la plupart des gens n’aiment pas êtres étiquetés comme étant indifférents, désobligeants, inconscients, égocentriques, paranoïaques, injustes ou abusifs. Une personne peut délibérément utiliser des qualificatifs négatifs afin d’obtenir une réaction contraire et ainsi mieux contrôler la situation comme ils le souhaitent.

Prêtez attention aux commentaires tels que :

  • « Tu t’en moque, n’est-ce pas ? »
  • « Tu n’es quand même pas une de ces femmes qui pensent que tous les hommes sont mauvais? »
  • « Tu penses probablement que tu es une femme trop bien pour moi. »
  • « Quelqu’un qui vient d’une famille comme la tienne ne peut pas comprendre ce que c’est que d’être pauvre. »
  • « C’est injuste, tu empiètes sur ma liberté »
  • « Tu n’as pas à me dire d’arrêter. Tu abuses de ton pouvoir. »
  • « Tu ne te comporte pas en amiE »
  • « Tu t’es trompé par le passé. Et tu le feras probablement encore ! »

Essayer de montrer à quelqu’un qu’il a tort en changeant notre comportement est une autre façon de lui donner du pouvoir sur nous. Faites plutôt un choix conscient de l’action à prendre, et ce en fonction de ce qui se passe réellement et du comportement visé.

Le prêt d’usurier :

Un usurier est une personne qui prête un montant et réclame une somme bien plus élevée par la suite. Parfois les gens essayent de développer une relation en offrant des cadeaux. Certains sont gentils et veulent aider. Il n’y a aucun problème avec ça si ce qu’ils veulent faire correspond à vos désirs et qu’ils ne vous pressent pas à rendre plus que ce que l’on vous a donné. Si quelqu’un vous aborde et essaye de vous faire une faveur, vous n’êtes ni obligé d’accepter ni de lui faire une faveur en retour. Sachez que ça peut être une tactique pour se rapprocher de vous. Lorsqu’une personne que vous ne connaissez pas vous dit : « Laissez-moi vous aider. » et tente de faire quelque chose que vous ne lui avez pas demandé ou dont vous n’avez pas besoin, la réaction la plus sécuritaire est alors de partir et dire fermement « Non merci ! ».

La promesse non sollicitée :

Les promesses : c’est important. Si vous êtes le genre de personne qui prend ses engagements à cœur, il y a des chances que vous soyez rassurés lorsque quelqu’un vous fait une promesse. Cependant, si votre sécurité émotionnelle ou physique doit dépendre d’une promesse, assurez-vous que cette personne a l’habitude de tenir parole.

Faites attention aux commentaires tels que :

  • « Je promets que je ne te laisserai jamais tomber. »
  • « Je te promets de ne jamais te mentir »
  • « Je te promets que je partirai dès qu’on arrive »
  • « Je n’ai pas bu, je te le promets »
  • « Je conduirais prudemment, je le promets »
  • « Je te rembourserai, je te le promets »

Rappelez vous que, pour savoir si vous pouvez vous fier à quelqu’un, ses actes passés et ses comportements habituels sont de bien meilleurs indicateurs que n’importe quelle promesse.

Nier un refus :

Les spécialistes de la collecte de fonds, de la négociation et de la vente comprennent tous que parfois « Non » signifie « Pas encore ». Le fait de demander plus d’informations, d’écouter les préoccupations ou d’offrir d’autres options peuvent mener à de meilleures solutions pour chacun. Il est donc important de ne pas accorder à un NON plus de sens  qu’il en a. Par exemple, les parents avisés savent que le « Non » d’un enfant doit toujours être respecté en tant que sentiment. Mais qu’il ne peut pas toujours être accepté comme choix. Parallèlement, des personnes envahissantes ou dangereuses vont tester les limites de leurs victimes potentielles en ne respectant pas leur « Non ».

Par ailleurs, si vous êtes timides ou hésitants à dire « Non », même les gens bien intentionnés pourraient ne pas vous entendre et continuer à pousser sur vos limites. Si quelque chose ne vous convient pas ou vous paraît potentiellement dangereux, il est important d’être ferme, précis et d’agir de façon congruente avec ce que vous dites :

  • « Je ne veux vraiment pas ! »
  • « Je ne suis absolument pas d’accord »
  • « Vas t’en ! Je ne veux pas de ton aide ! »

Si vous avez besoin d’aide et si cela est possible, choisissez vous-même la personne. Dites-lui haut et fort que vous avez besoin d’aide plutôt que d’attendre l’aide d’une personne que vous n’avez pas choisie.

Questions sympathiques :

Cette stratégie n’est pas sur la liste de Gavin de Becker mais une tactique qui a abaissé mes propres limites. Les gens sont avides d’être écouté et pris en considération. Poser des questions peut s’avérer un outil très pratique pour aider les autres à prendre conscience de leurs idées et leurs sentiments. Malheureusement, il se peut que des gens utilisent cette tactique au beau milieu d’une dispute ou d’une situation de risque. Une question comme :  « Est-ce que ça va ? » à un moment inapproprié peut être une distraction pour vous empêcher de reconnaître les intentions réelles de quelqu’un. Demandez vous alors : « Dans quel contexte cette question m’est-elle posée ? », « Quel est son but en posant cette question ? »

Conclusion :

Chez Kidpower, nous pensons que la plupart des gens sont gentils et ont pour la plupart de très bonnes intentions. Même les gens bien intentionnés essayent parfois de pousser les limites des autres. Par ailleurs, d’autres peuvent avoir des intentions non-sécuritaires. Ils ne sont peut-être pas la personne que nous imaginons. Leurs intentions et leurs comportements peuvent changer pour des raisons qui n’ont rien à voir avec nous.

Comprendre quand et comment des tactiques qui abaissent nos frontières sont utilisées augmentera à la fois notre propre sécurité et nos capacités à communiquer. En sachant éviter les stratégies verbales ou physiques qui peuvent vous distraire, vous mélanger ou vous tromper, vous serez alors mieux placés pour envisager vos meilleures options et agir en conséquence.

 

Nous remercions Kidpower Teenpower Fullpower International pour leur permission d’utiliser l’article à droits d’auteurs ci-bas ainsi qu’à Pleins Pouvoirs KIDPOWER Montréal pour la traduction et l’accès aux textes en français.