« Nous sommes amenés à gérer les comptes de clients qui ont un suivi psychiatrique. Je ne sais pas comment m’y prendre : c’est inquiétant ! » Audrey, gestionnaire de compte bancaire.

« Nous avons à accompagner de plus en plus de résidents qui sont sujets à des troubles du comportement. Les hôpitaux psychiatriques sont complets. On fait avec ! » Jeanne, éducatrice en CHRS.

« On n’oublie pas notre collègue Geoffroy qui a été poignardé à près de trente reprises par le schizophrène qu’il venait secourir ». Jean-François, sapeur-pompier.

Les fous seraient tous dangereux ? S’ils suscitent de la crainte, de la peur, c’est surtout par méconnaissance.

Le problème est bien réel en matière de suivi et des situations. Oui, la fermeture de lits en HP, le nombre de cas de personnes en souffrance psychique qui augmente, mais aussi, le besoin d’accompagnement pas toujours réalisé par des équipes de soin débordées. Enfin, certains refusent le traitement, le contrôle et le suivi. La mise en application d’un contrôle pour les comportements les plus à risque pose question. Tout cela conduit les professionnels qui suivent nos formations à nous poser fréquemment des questions sures « comment adapter sa posture face à quelqu’un qui ne semble pas voir de toutes ses facultés mentales ? ».

La presse relaie régulièrement des drames. Nous en avons rencontré plusieurs durant notre carrière.

L’affaire de Nadir :

Nadir, 8 ans, est égorgé dans la cité la Maurelette, le 24 mai 1999, par un déséquilibré. Plusieurs indices accablent « A ». Un homme imposant d’un mètre quatre-vingt-quinze. Enfant de la copropriété vivant désormais au centre-ville, il revenait souvent sur les lieux et avait proféré des menaces quelques jours avant le crime. Confondu par son ADN, ce SDF de 29 ans est condamné en juin 2001 à 25 ans de prison avec période de sûreté des deux tiers. Mais alors qu’il est atteint de « schizophrénie paranoïde avec activité délirante », l’irresponsabilité pénale est écartée par le jury d’assises. Quatre experts n’ont vu qu’une altération et non une abolition du discernement au moment des faits. Le sujet avait fait de longs séjours à Valvert et Edouard-Toulouse mais avait cessé tout traitement. (La Marseillaise du 20 mai 2014).

L’abandon progressif d’un système de soins psychiatriques déjà en souffrance

Sa mère avait pourtant alerté les autorités un mois avant la tragédie de la dégradation de son état. « Ne pas lui répondre », mentionnait une lettre retrouvée dans son dossier médical.

Aujourd’hui, « A » est libre. Il inquiète aujourd’hui sérieusement certains professionnels que nous avons rencontré aujourd’hui.

L’affaire de la rue Paradis :

Autre exemple. Le 23 novembre 2001, « J », une bijoutière de la rue Paradis, est retrouvée morte, abattue d’une balle dans la tête derrière son comptoir. Sébastien, 20 ans, un marginal schizophrène qui errait de squat en foyer avoue puis se rétracte. Il se dit tantôt en conciliabule avec Satan ou en communication télépathique avec la chanteuse Jennifer Lopez. Il était passé quelques jours avant pour poser des questions sur les propriétés ésotériques d’une opale en vitrine. « Schizophrénie paranoïde avec évolution progressive vers un état d’aliénation », détecte un expert. Les jurés aixois l’acquittent en 2005 au bénéfice du doute. Le parquet fait appel mais le procès est différé devant la dégradation de son état.

Libéré, l’accusé s’évanouit dans la nature.

On le retrouve à Marseille dans un hôtel meublé. Il est conduit aux assises de Nice et condamné en octobre 2010 à 20 ans de prison. La justice « patine », elle condamne, innocente puis recondamne en 2017 celui qu’elle admet comme ayant eu une altération du discernement. (La Provence du 14 octobre 2017).

Aujourd’hui, Sébastien, est peut-être libre ? Quel suivi a-t-il ?

Cela est arrivé à l’équipe d’un des concepteurs du GESIVI

L’auteur de ces lignes peut en parler, car le 9 mars 2000, avec 3 de ses collègues, alors qu’ils étaient en mission de nuit à Marseille, ils essuieront 2 coups de feu à moins de 5 mètres dans leur véhicule de service. L’auteur des faits, suivi par un service psychiatrique avait un fusil et une trentaine de cartouches sur lui. Il venait « tuer les hommes de la mafia ». Il ne s’était pas présenté pour bénéficier de son injection retard, sensée le canaliser et l’apaiser. Aucun signalement et un drame évité de justesse. Résultat : des traumas et du désarroi chez les blessés. Aucune suite pour l’auteur…

Des formations pour vous aider

Dans nos modules de formation nous abordons le sujet : « comment faire lorsqu’on est face à un sujet qui a des propos délirants ? ». Sans être psychiatre, il y a des clés importantes à savoir.

Dans la vidéo ci-après, un exemple de propos inquiétants et susceptibles de faire peur à celui qui n’est pas habitué ou formé à ce type de situation.

Parfois, le métier exercé amène à devoir intervenir (infirmiers, secouristes, éducateurs…). Comment se positionner, comment intervenir ? Notre module « crise et gestes contenants » apporte des éléments de réponse.

Nous conclurons par cette précision importante. LA FOLIE N’EST PAS SYNONYME DE DANGEROSITÉ. Toutes les publications sérieuses le précisent.

Cette vidéo qui conclue et fait le tour de toute la difficulté du sujet.

Conclusion : sortir de la peur, entrer dans la compréhension

Non, la folie n’est pas synonyme de dangerosité. Mais oui, certaines situations, certains passages à l’acte violents, posent de vraies questions, pour les professionnels de terrain, pour les institutions, et pour la société dans son ensemble.

Le problème n’est pas « les fous », le vrai problème, c’est l’abandon progressif d’un système de soins psychiatriques déjà en souffrance, c’est le manque de formation des intervenants de première ligne, c’est le tabou qui entoure encore trop souvent les troubles psychiques. On stigmatise, on fantasme, on dramatise… et on oublie de penser. Comment mieux repérer, mieux accompagner, mieux protéger tout le monde ?

Car au fond, la peur naît surtout de ce qu’on ne comprend pas.

C’est pourquoi il est essentiel de se former, de s’informer, de dialoguer, plutôt que de détourner le regard.

La dangerosité n’est pas une pathologie, c’est un risque à prévenir, à anticiper, à encadrer. Et ça, ça s’apprend.

Alors, faut-il avoir peur des « fous » ? Non. Mais il faut cesser de faire l’autruche. Ce n’est ni confortable, ni facile… mais c’est indispensable.