Un constat poignant
Le témoignage de Céline Gréco, cheffe de service à l’hôpital Necker, continue de résonner avec force. Il nous rappelle à quel point les enfants hospitalisés, déjà fragilisés par la maladie, subissent parfois des violences éducatives ou institutionnelles sous couvert de soins ou d’encadrement.
Ce constat s’applique aussi, trop souvent, dans d’autres contextes : en établissements médico-sociaux, en MECS, en instituts spécialisés, dans les foyers. Là où l’on devrait protéger, il arrive qu’on contienne, qu’on force, qu’on aggrave sans le vouloir des blessures déjà profondes.
Chez GESIVI, nous avons préféré la réflexion à la précipitation. Au lieu de répondre trop rapidement aux demandes de formation sur la gestion des crises infantiles ou adolescentes, nous avons décidé de prendre un temps de recul. Notre objectif ? Ne pas reproduire, par ignorance ou automatisme, des schémas violents. Et surtout, ne pas ajouter du trauma au trauma.
Comprendre la crise pour mieux agir
Les crises, notamment les crises clastiques, peuvent être extrêmement impressionnantes. L’enfant ou l’adolescent entre dans une phase de colère aiguë. Il s’agite, crie, casse des objets, peut agresser physiquement. Cette montée en tension désarçonne. Elle inquiète. Et face à l’urgence, les réponses sont souvent physiques, parfois brutales, presque toujours discutables.
Dans bien des cas, le premier réflexe est celui du « contenant » : on bloque, on isole, on neutralise. Mais cette réponse, même si elle semble protectrice, est-elle vraiment la meilleure ? Était-elle la seule option ?
Il arrive que les gestes employés soient perçus comme violents, humiliants, voire déshumanisants, par les enfants, par les collègues, par les familles. Même si l’intention est de bien faire, la perception peut être tout autre. Et dans le monde du soin ou de l’éducatif, la perception compte autant que le geste.
Ce que dit la HAS… et ce qu’elle ne dit pas
La Haute Autorité de Santé (HAS) a bien établi un cadre. Son référentiel de bonnes pratiques professionnelles dessine des principes clairs : respect de la dignité, proportionnalité des réponses, prévention des violences, protection du lien éducatif ou thérapeutique. Mais elle laisse un vide là où les professionnels attendent des outils concrets.
Comment faire ? Quand intervenir ? Avec quels gestes ? À quel moment ? Dans quelles conditions de sécurité ? Et surtout, comment ne pas trahir notre éthique dans l’action ?
Un groupe de travail pour construire une alternative
C’est pour répondre à ces questions que GESIVI a lancé un groupe de travail pluridisciplinaire. L’ambition est simple : construire un cadre de réponse cohérent, éthique et applicable sur le terrain.
Ce groupe rassemble des éducateurs, des soignants, des kinésithérapeutes, des formateurs en gestes professionnels, des pompiers, mais aussi des chercheurs et des spécialistes en intervention. Leur objectif : penser ensemble une autre manière de gérer les crises, sans recours systématique à la contrainte physique.
Le projet repose sur quatre grands axes :
- Maintenir un cadre bienveillant, même dans les moments de tension extrême. La posture, le ton, les mots comptent autant que les gestes.
- Analyser la montée en tension, en s’appuyant notamment sur l’approche morphogestuelle développée par Jean-Pierre Veyrat. Cette grille de lecture permet d’anticiper les signaux faibles et d’adapter la posture dès les premiers signes.
- Adapter les gestes selon l’âge, la corpulence, le contexte et les ressources humaines disponibles. On n’intervient pas de la même façon face à un enfant de 6 ans ou un adolescent de 17 ans. Et surtout, on n’agit pas seul.
- Déployer un processus d’évaluation post-crise. Débriefer, analyser, améliorer : une intervention ne s’arrête pas quand la crise retombe. Elle se prolonge dans le collectif, dans l’apprentissage, dans la mémoire professionnelle.
Des retours encourageants
De nombreuses institutions ont manifesté leur intérêt pour cette démarche. Des questionnaires ont été diffusés, et les retours des professionnels sont précieux (pour répondre au questionnaire). Ils confirment un besoin urgent de formation adaptée, mais surtout d’une réflexion de fond sur nos pratiques.
Certains parlent de malaise éthique. D’autres disent leur sentiment d’impuissance. Beaucoup expriment leur peur de mal faire, ou de faire mal. Ces témoignages ne sont pas des critiques : ce sont des appels. Et nous les entendons.
Vers une légitimité renforcée par la science
Nous avons aussi la chance d’être accompagnés dans nos travaux par le professeur Daniel Marcelli, pédopsychiatre reconnu, qui supervise et éclaire notre démarche. Son regard scientifique nous aide à éviter les dérives, à poser des limites claires, à ne pas céder à la tentation du bricolage ou du tout-sécuritaire.
Grâce à lui et à l’ensemble du groupe de travail, nous voulons bâtir un référentiel de gestes professionnels, mais aussi une philosophie d’intervention. Parce qu’il ne suffit pas de savoir comment faire. Il faut aussi savoir pourquoi on le fait, pour qui, et avec quelle intention.
Une vision tournée vers l’avenir
Notre objectif n’est pas de proposer une méthode miracle. Il n’y en a pas. Mais nous voulons offrir des outils. Des repères. Une ligne directrice qui place l’enfant ou l’adolescent au centre, même au cœur de la crise.
Nous refusons de céder à la logique du contrôle pur. Nous préférons celle de la compréhension. Plutôt que de répondre à la violence par la force, nous cherchons à répondre par la compétence.
Cela demande du temps, de la formation, du travail sur soi. Mais c’est un effort nécessaire. Et il est possible. Il suffit parfois de changer de lunettes. De passer de la logique punitive à la logique éducative. De voir la crise non comme un affront, mais comme un appel à l’aide.
Pour aller plus loin, nous vous proposons une journée « Maintien de sécurité » à Nîmes le 17/12/2025. Dans cette session vous pourrez situer la place et l’utilité de la mise en œuvre de la contention dans la gestion de la crise de violence physique au sein d’une équipe constituée afin de respecter le cadre déontologique de l’institution. Contacter nous pour vous inscrire !
Conclusion : agir autrement, ensemble
Ce projet est collectif. Il avance grâce à l’implication de chacun. Chaque retour de terrain, chaque suggestion, chaque expérience partagée alimente notre réflexion. Si vous souhaitez participer, répondre au questionnaire, ou simplement suivre l’évolution du projet, n’hésitez pas à nous contacter. Votre voix compte.
Parce qu’au fond, derrière chaque crise, il y a un enfant. Un être en souffrance. Et derrière chaque geste professionnel, il devrait toujours y avoir de la dignité, de la justesse et de l’humanité.