QUAND LA FORMATION NOUS AIDE À COMPRENDRE

 

Durant nos formations de prévention des violences, les professionnels en charge des mineurs (Foyers de l’Enfance, ASE, Protection Judiciaire de la Jeunesse, ITEP, MECS…) évoquent une question récurrente concernant la question des mineurs en situation de prostitution.

 

Nouveau phénomène ? Loin s’en faut ! Mais certainement inflation de ce dernier (par la prolifération et la facilité de la mise en contact par les réseaux sociaux), mais aussi, par une meilleure prise en compte du phénomène par une prise de conscience collective.

Si vous êtes concerné par ce sujet, ce reportage sur la plateforme France TV est pour vous. Il relate le travail difficile pour les éducateurs qui tentent de proposer une alternative à ces mineures en grand danger.

Comme si j’étais morte – Le documentaire

 

J’ai été intégré pendant plus de 15 ans à un travail de prévention de nuit sur Marseille dans un service dont la mission consistait à effectuer des maraudes chaque nuit dans cette ville. Un partenariat entre la PJJ, la prévention spécialisée et la police nationale. A cette époque l’actualité était secouée par l’affaire DUTROUX, les réseaux de pédophilie, les « parties fines » organisées dans des milieux très particuliers… Le miracle des frontières françaises confinait le sujet en Belgique…peu, voire pas du tout de notre côté.

 

Et chez nous ? Existe-t-il des réseaux ? Vaste question.

 

Pris à bras le corps par une ministre de l’époque, la réponse qui lui était retournée :  il « n’y avait que très peu de mineures prostituées, voire pas du tout pour de nombreux services » !!!

Alors que nous en rencontrions toutes les nuits ! Par exemple au Tribunal pour Enfants de Bobigny, la passerelle où passaient les mineures récupérées à l’aéroport de Roissy s’évaporaient dans la nature. Où passaient-elles ? Qui allait s’en occuper alors qu’au sortir du TPE, elles disparaissaient des radars des services sociaux.

Sujet tabou ? Évitement face à un sujet « puant » ? C’est à cette époque qu’avec mes collègues j’ai été témoin des pires situations de détresse humaine. Myopie des services ? Sujet non prioritaire ?

Un peu de tout ça certainement. Mais aussi, présence de « filtres occultants » (des biais cognitifs ?) pour les différentes équipes en place.

 

La dernière formation sur l’AMG (Analyse Morphologique Gestuelle) dispensée par Jean-Pierre Veyrat organisée dans les locaux de GESIVI SYSTEME est révélatrice. « En matière de surveillance, détecter un prédateur est difficile au sein d’une foule ou dans un espace public ; mais si on repère la victime, le prédateur sera forcément à proximité ».

Évident ! Car la prostitution des mineurs est fort différente de celle des adultes. Si chez l’adulte la proposition vient très souvent de la personne en situation de prostitution (c’est la prostituée adulte qui propose) dans des lieux bien connus et avec des modes opératoires bien connus des services en charge de la lutte contre le proxénétisme (rues, quartiers, Est de nuit, site internet); chez l’enfant, c’est bien souvent le client qui cherche sa future « victime » en adoptant une posture de prédation) et qui propose au mineur la prestation sexuelle (parfois sous couvert d’hébergement, repas, place de ciné, etc.).

 

Sur le terrain, qui fait apprendre très vite, par les erreurs, si on les accepte, nous avions compris ce besoin de changer et adapter nos critères d’observation. Ainsi, les paradigmes une fois changés, la réalité était toute autre. La prostitution des mineurs a toujours existé. Elle explose aujourd’hui par l’inflation et la facilité des réseaux sociaux.

Nous adressons tous nos encouragements aux équipes en charge de cette mission (éducateurs, policiers et autres).

 

 

Didier JAFFIOL